Quelques épisodes de la vie courante à Belleville,après la seconde guerre mondiale

Les témoignages qui suivent sont extraits de notre livret n° 6 « Les Mémoires Vivantes: suite » qui paraîtra début décembre 2017.

« Le téléphone est entré peu à peu dans nos foyers aux alentours des années 65 environ, il faudrait faire une recherche pour le savoir plus précisément ; avant, peu de familles possédaient un poste téléphonique en dehors du bureau de Poste ,de la Mairie, des usines et des différents commerces ou services. Mais il y avait des circonstances où cela se serait révélé bien utile : naissances à annoncer, décès, ou tout simplement problèmes de santé qui nécessitaient l’intervention d’un médecin, dans ces cas-là il fallait en dehors des heures d’ouverture du bureau de Poste solliciter le bon vouloir d’un commerçant du quartier.

Il y avait aussi une autre façon de faire qui était très pratique et qui fonctionnait très bien selon un scénario bien rôdé, ainsi lorsque j’étais enfant dans les années 50 et que j’étais malade maman disait : »Je vais faire mettre le drapeau »et elle filait tôt le matin chez Simonin au café de La Lorraine prévenir que nous avions besoin du médecin, le cafetier accrochait alors à la façade de son établissement le fameux  »drapeau rouge  », parfois il arrivait que le drapeau soit déjà accroché ,cela signifiait qu’il y avait un ou d’autres malades à Belleville, dans ce cas maman se contentait de prévenir Mr Simonin qui nous inscrivait sur la liste. Le Docteur M… de Dieulouard au cours de sa  »tournée » passait devant le café, lorsqu’il voyait le drapeau il savait que des malades l’attendaient à Belleville , il lui suffisait de prendre connaissance de leurs noms et ses visites pouvaient commencer ! Ce  »système » a fait ses preuves durant de nombreuses années.

 

Lorsque Mr et Me M…ont pris la suite de Mr Simonin cette façon de faire a perduré, le drapeau rouge entre-temps était devenu un drapeau blanc mais il remplissait toujours le même office et ceci jusque dans les années 65 environ, époque à laquelle le nombre de foyers équipés en téléphone s’est accru.

Comme le dit J. : »Les indiens avaient les signaux de fumée,nous les Bellevillois, nous avions le  »drapeau ». »

Les « suppléments » au ravitaillement:


« Je connais pas mal de gens qui braconnaient, surtout par nécessité,  car les amendes étaient salées avec souvent de la prison si on était repris. Les gardes en plus,  n’y allaient pas de main morte!
Collets, pièges à trappe, glu pour les oiseaux pour les plus pauvres . Même les enfants s’y mettaient.

On guettait le passage des pigeons ramiers et on avait repéré  leur « reposoir », là où ils reprenaient des forces avant de continuer leur voyage. C’était dans la plaine de Blénod
à peu près à l’emplacement de la centrale thermique qui n’existait pas encore. On amorçait plusieurs jours comme à la pêche et on venait avec notre matériel: une cage en grillage( un peu du modèle qu’on mettait sur les poules pour les protéger quant elles avaient une couvée, mais plus petite), une cale et une ficelle. On se cachait dans le buisson et on attendait. Quand les oiseaux arrivaient on tirait la cale et paf ! ils étaient pris.

 


Le garde- chasse ou le garde-champêtre qui connaissait son monde, faisait des « perquisitions » dans les foyers. On avait un truc: la viande braconnée était cuite au fond du chaudron , sous la soupe . On avait toujours un louche trop courte pour atteindre le fond pour quand il vérifiait.. On ne sortait l’autre, à rallonge,que lorsque l’on ne craignait rien!!
Le poisson aussi était braconné à la nasse ou au cordeau (corde ,avec de nombreux hameçons avec des appâts,tendue de nuit en travers du cours d’eau.)
Tolérée, la pêche aux écrevisses avec un fagot de branchettes appâtées avec de la tripaille et aux grenouilles avec un bâton au bout duquel on accrochait un morceau de tissu rouge. Les grenouilles s’y suspendaient . Il fallait les retirer en douceur ,comme les écrevisses.Le ramassage des escargots aussi.
-On ramassait des châtaignes qu’on grillait, dans l’âtre en les mettant  dans des casseroles trouées.
-On cherchait des glands et des faînes pour les porcs.
-On attrapait au piège des ragondins près de la Moselle.
-On mangeait même du hérisson :
Conseil pour le préparer sans se piquer: une entaille à une patte, on gonfle avec une pompe à vélo. La peau décolle et ou ouvre par le ventre. On dépouille comme pour un lapin.
-On attrapait des jeunes pies ou corbeaux bien gras (juste avant qu’ils quittent le nid). On se régalait avec tout ça.
Mon arrière-grand-mère disait:
« J’ai vu 3 guerres, j’en ai mangé d’autres! »